Sembat, Marcel, 1862-1922

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Marcel Sembat est né le 19 octobre 1862, à Bonnières-sur-Seine (alors commune de la Seine-et-Oise, aujourd'hui Yvelines), au sein d’une famille de la moyenne bourgeoisie, implantée dans cette région depuis plusieurs générations. Son père, Louis Adolphe Sembat (1826-1874) était directeur-receveur des Postes à Bonnières, dont il fut également conseiller municipal et commandant des sapeurs-pompiers. Sa mère, Marie Joséphine Boucher (1832-1905), sans profession, était la fille de Frédéric Casimir Boucher, greffier de la justice de paix de la commune. Marcel Sembat fit d’excellentes études successivement à Bonnières, à Mantes-la-Jolie, puis à Paris, au collège Stanislas (1875-1880), tenu par les Marianistes, avant de passer son doctorat en droit à l’université de Paris, en soutenant en 1884 une thèse intitulée De la rescision pour lésion dans la vente en droit romain et en droit français.

Il choisit la profession d’avocat et s’inscrivit au barreau de Paris vers 1885. Il exerça très peu et essentiellement dans des affaires politiques (défendant des journalistes, des syndicalistes et des antimilitaristes, comme Michel Zévaco en 1891), mais suffisamment pour se faire remarquer et apprécier comme un redoutable orateur. Comme nombre de ses confrères de la IIIe République, il se dirigea vite vers le journalisme et la politique. Tout en continuant à suivre des cours ou des séminaires (de psychologie, de chimie) au Collège de France ou à l’École pratique des hautes études, ce lecteur insatiable (qui lisait le latin et le grec, l’anglais et rêvait de faire du chinois…) s’orienta, par la lecture des théories évolutionnistes du philosophe anglais Herbert Spencer, vers le socialisme, entrant à la Société républicaine d’économie sociale de Benoît Malon, et créant, avec quelques amis, en février 1891, la Revue de l’évolution sociale, scientifique et littéraire, qui disparut dès septembre 1892. Chroniqueur judiciaire à La République française, le journal fondé par Léon Gambetta, il racheta en 1892, avec ses anciens condisciples du collège Stanislas Henri Turot et Henri Pellier, La Petite République française, premier quotidien accueillant tous les courants socialistes et dont il assuma la direction du 7 janvier au 19 juillet 1893, laissant alors la place à Alexandre Millerand. Très régulièrement, il collabora aussi notamment à La Revue socialiste, La Lanterne, et L'Humanité, journal dans lequel il tint une rubrique de politique étrangère et qu’il dirigea par intérim lors de la tournée de Jaurès en Amérique latine en 1911.

En 1893, lors des élections législatives qui virent entrer à la Chambre des députés pour la première fois une cinquantaine de socialistes, il fut élu député socialiste indépendant de la Seine, dans la première circonscription du XVIIIe arrondissement de Paris, celle des Grandes-Carrières, à Montmartre, quartier populaire et de la bohème artistique et littéraire. Il y fut constamment réélu jusqu'à son décès en 1922. Il se rapprocha en 1895 de l’une des nombreuses composantes rivales du mouvement socialiste, le Comité révolutionnaire central (C.R.C.) de l’ancien communard Édouard Vaillant, blanquiste, devenu en 1898 le Parti socialiste révolutionnaire (P.S.R.), qui revendiquait fortement son attachement à la République, à l’autonomie syndicale et à la décentralisation et dont il devint l’un des membres dirigeants. Adhérent à partir de 1902 au Parti socialiste de France (P.S.F.), qui rassemblait depuis 1901, sous l’autorité de Jules Guesde, les blanquistes et les guesdistes, il fut l’une des chevilles ouvrières essentielles du regroupement, vivement réclamé par l’Internationale socialiste, des courants socialistes français rivaux en Section Française de l’Internationale Ouvrière (S.F.I.O.) au congrès de la salle du Globe à Paris, en avril 1905.

Parallèlement à son militantisme politique, l’intellectuel Sembat prit une part croissante aux activités de la franc-maçonnerie, à laquelle il fut initié à Lille en 1891 dans la loge La Fidélité de la Grande Loge de France. En 1897, il rejoignit à Paris le Grand Orient de France, fut l’un des fondateurs de la loge La Raison, à Montmartre en février 1898, et appartint à la formation para-maçonnique de la Chevalerie du Travail. En 1910, il devint vice-président du conseil de l'Ordre et président de la commission des affaires administratives du Grand Orient de France. Parmi ses nombreuses activités maçonniques, on notera en particulier la création et l’animation du Comité central des Fêtes et Cérémonies civiles de l’Ordre et la direction de la publication de son organe, les Annales des Fêtes et Cérémonies civiles.

Il développa, surtout à partir de sa réélection de 1898, tant à la Chambre des députés que dans d'innombrables réunions publiques dans toute la France ainsi que dans ses articles et éditoriaux de la presse nationale admirés et redoutés, une activité parlementaire et militante qui fit de lui l’une des figures les plus en vue de la S.F.I.O. En pleine période de montée des périls il défendit notamment avec ardeur les thèses pacifistes, rédigeant son seul livre publié de son vivant Faites un roi, sinon faites la paix (1913), pamphlet pacifiste dont le titre et la trop subtile argumentation intellectuelle ne furent pas compris et appréciés à leur juste valeur. L’assassinat de Jean Jaurès, le 31 juillet 1914, la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France, le 3 août, et la prise de position de la S.F.I.O. en faveur de la participation à un gouvernement de défense nationale, rassemblant droite et gauche face à l’évolution catastrophique de la situation militaire, le propulsèrent le 26 août 1914 au sein du gouvernement Viviani comme ministre des Travaux publics. Il fut ainsi le premier membre de la S.F.I.O. à représenter officiellement son parti au sein d’un gouvernement comme ministre de plein droit, Jules Guesde étant, quant à lui, nommé ministre sans portefeuille.

Sembat fut ministre des Travaux publics (avec Léon Blum pour chef de cabinet) du 26 août 1914 au 12 décembre 1916. Il eut, en tant que tel, non seulement à assumer, bien que pacifiste dans l’âme, sa participation à un gouvernement de guerre, mais encore à gérer la double et très grave crise des transports et du ravitaillement en énergie (essentiellement en charbon) pour soutenir l’effort de guerre « totale » et satisfaire aux besoins en chauffage de la population civile. Il dut adapter à une situation inédite et catastrophique (invasion des zones minières du nord de la France, mobilisation des mineurs, déménagement des ministères à Bordeaux de septembre à décembre 1914, etc.) son ministère amené à exercer rapidement un contrôle complet sur le marché économique du charbon et à cogérer les moyens de transport, stratégiques, avec le ministère de la Guerre. Deux dossiers essentiels l’occupèrent, la loi du 22 avril 1916 « sur la taxation et la limitation des frets pour le transport de charbon sous pavillon français » et la négociation de l’accord franco-anglais Sembat-Runciman, du 25 mai 1916, sur la taxation du fret et du charbon anglais. Ces solutions portèrent dans un premier temps leurs fruits, mais la conjonction de l’évolution défavorable du marché, des conséquences de la bataille de la Somme sur le ravitaillement de Paris et du développement de la guerre sous-marine, provoqua une grave pénurie de charbon à la fin de l’automne 1916. Mis en cause par une très virulente campagne de presse orchestrée par la droite, à laquelle il se refusa de répondre, contesté au sein de son propre parti par les opposants à la participation ministérielle, Sembat quitta son poste à l’occasion du remaniement du gouvernement Briand du 12 décembre 1916, laissant la place à Édouard Herriot.

Très affecté par l’échec qu’on lui imputait et physiquement épuisé, Sembat vit dans les mois suivants ses positions battues en brèche, y compris au sein de la S.F.I.O., où Longuet, Renaudel, Frossard et Cachin prirent de plus en plus d’ascendant. Au congrès de Tours en décembre 1920, il vota contre l'adhésion du parti à la IIIe Internationale, cherchant avec Léon Blum à sauver la « Vieille maison », dont il resta un membre dirigeant. Bouleversé par la mort de son vieil ami Jules Guesde, le 28 juillet 1922, et très préoccupé par les conséquences à moyen et long termes du traité de Versailles, il n’eut pas le temps d’achever la rédaction d’un nouvel ouvrage d’une grande lucidité, La Victoire en déroute (édité à titre posthume par ses neveux André Varagnac et Pierre Collart en 1925), car il mourut brusquement d’une hémorragie cérébrale à Chamonix le 4 septembre 1922. Sa femme, Georgette Agutte, avec qui il formait un couple parfaitement fusionnel, se suicida dans la nuit du 5 au 6 septembre. Le couple fut enterré au cimetière de Bonnières-sur-Seine le 7 septembre lors d’obsèques auxquelles prit part une foule immense. Le 18 décembre eut lieu une impressionnante cérémonie commémorative organisée par la S.F.I.O. à Paris au Gaumont-Palace.

La vie de Marcel Sembat ne peut en aucun cas se réduire à celle d’un homme politique et d’un militant. C’était un homme d’une immense culture et d’une insatiable curiosité intellectuelle. Leur manifestation la plus visible fut son très grand intérêt pour l’art, partagé avec son épouse, elle-même artiste, et qui joua un rôle majeur dans l’orientation de son goût vers les formes les plus contemporaines de la création. Membre du tumultueux Salon d’Automne de 1905, celui des « Fauves », il prit à de nombreuses reprises la défense du concept même de la « liberté en art » - en particulier dans son retentissant plaidoyer à la tribune de la Chambre en faveur des cubistes lors de l’affaire du Salon d’Automne de 1912 -, celle de l’art pour le plus grand nombre, aussi bien dans les musées qu’au théâtre. Fort de la fréquentation régulière de nombreux artistes, il écrivit en 1920 la toute première monographie consacrée à Henri Matisse et son œuvre. Passionné par les recherches les plus en pointe sur la psychologie, l’histoire des religions anciennes et l’ethnologie, il aimait à faire connaître le travail du grand ethnologue anglais James-G. Frazer, et prit comme plus proches collaborateurs dans son cabinet ministériel deux grands intellectuels, Léon Blum, alors l’un des plus brillants critiques littéraires, et Gustave Kahn, poète symboliste et critique d’art. Toutes les facettes de cette personnalité sont étonnamment illustrées par son journal intime, ses Cahiers noirs, édités par Christian Phéline en 2007.

Marcel Sembat n’eut qu’une sœur aînée, Marie Louise Sembat (1855-1913), qui avait épousé Adrien Georges Héliot, médecin à Meulan.

Information extraite de la notice des Archives nationals de France (FRAN_NP_050367)

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associatedWith Agutte, Georgette (1867-1922) person
correspondedWith Georgia (Republic). person
associatedWith Matisse, Henri, 1869-1954. person
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Birth 1862-10-19

Death 1922-09-05

French

French

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